dimanche 13 avril 2014

Cette semaine, je ne suis pas inspirée.

Alors vous avez droit à des faits aléatoires sur quatre molécules.


 Vous savez ce qui m'ennuie dans l'article précédent ?
 Et je n'ai choisi, comme exemples, que des molécules pas très liées à la conservation d'une bonne santé, voire même plutôt mortelles.


 Le méthane, ce puant

 Le méthane est la molécule formée d'un atome de carbone autour duquel sont venus se blottir quatre atomes d'hydrogène. Outre la représentation bizarre dont je vous ai gratifié l'autre jour, d'autres conventions de dessin existent dans le but de ne pas redessiner tous les quarks quand vous avez seulement besoin de l'information sur l'encombrement dans l'espace de la molécule, ou sur les atomes qui la composent (le nom de chaque ? Un autre article).

Troisième schéma réalisé sous Accelrys Draw, quatrième et cinquième sous Discovery Studio.

 Choisissez celle qui vous plaît le plus (je ne suis pas partisane du tout). Avec ça, vous devriez vous en sortir.

 A nos températures habituelles, le méthane est un gaz. Air Liquide, une entreprise qui s'y connaît fort bien en transport de gaz, nous indique qu'il est solide en-dessous de -182,46°C, et liquide jusqu'à -161,48°C. Ils indiquent même son point critique et son point triple, mais je garde les diagrammes de phase pour un autre article et je ne vais pas vous embrouiller avec ça entretemps.

Regardez-moi cette beauté, cette adorable, cette précieuse. Source

 Le méthane est parfois appelé gaz des marais. Il apparaît en effet lors des processus de décomposition organique en absence d'oxygène - exemple, un gros tas de déchets végétaux qui fermentent sous une boue aqueuse où l'air ne parvient plus à se dissoudre depuis longtemps.
 Mais, contrairement à ce que j'ai vilainement suggéré en début de paragraphe, il ne sent rien : en chimie, si vous cherchez quelque chose qui titille le nez, tapez du côté des bien nommés aromatiques (dans lesquels on retrouve un motif benzène, dont je vous parlerai une autre fois), des composés contenant du soufre (le soufre est un élément chimique qui agresse particulièrement les récepteurs de l'odorat pour des raisons que j'ignore mais que j'aimerais beaucoup explorer dans un autre article), ou des terpènes (capables de générer des senteurs aussi variées que celles du citron ou du pin). Ce qu'il y a, c'est qu'un tas en décomposition est rarement constitué de carbone, d'hydrogène et de pur esprit : si on y retrouve un poil de soufre, on mange du H2S. Qui est détectable au nez (tiens, qui a laissé pourrir des œufs ?) à partir de 0,00066 mg·m-3. Vous n'êtes pas obligés de me croire, mais c'est aussi peu que ça en a l'air.

 En présence d'oxygène, la matière organique tend plutôt à générer du CO2. Ce qui m'amène tout naturellement à parler des qualités de combustible du CH4.

 En effet, CH4 + 2O2 --> CO2 + 2H2O, oh là là, cette complexité de fou.

 Je ne vous mettrai pas le mécanisme de cette réaction, le "vrai" enchaînement des échanges d'atomes entre les molécules, parce que j'ai un mal fou à le retrouver, même avec des sources aussi bonnes que celle-ci ou celle-là.
 Mais je ne vous apprends rien : vous cuisiniez déjà au gaz de ville.


Lien avec le vivant :

 Vos bactéries intestinales en produisent, ce qui en fait un déchet de la digestion.

Causes probables du décès :

 1] Asphyxie simple. Le méthane est présent en telle quantités qu'il n'y a plus assez de dioxygène dans l'air pour vous permettre de respirer.
 2] Brûlures thermiques aggravées. Ce n'est certes pas le méthane qui vous tuera mais la chaleur de sa combustion dans l'air.
 3] Déshydratation due à un brusque emballement de l'effet de serre. Je ne sais pas vous mais je ne supporte pas les trop grandes chaleurs.


 Le formaldéhyde, ce croque-mort

 Le formaldéhyde, ou méthanal comme on devrait l'appeler si on suivait la nomenclature à la lettre, est la molécule basée sur un carbone en contrat avec deux atomes d'hydrogène et un atome d'oxygène.

Nooon, je ne suis absolument pas partisane sur la méthode de représentation
la plus simple, la plus belle, la plus équilibrée et la plus explicite.
Comment pouvez-vous affirmer une chose pareille ?

 Notre ami est gazeux à température ambiante car il ne passe à l'état liquide qu'à -19,5°C. Pardon, je rectifie : il est liquide à température ambiante, mais seulement au Canada. Il se solubilise très facilement dans l'eau.

 J'ai annoncé que le formaldéhyde était "peu stable" dans le précédent article, ce qui n'était pas très explicite de ma part.

 D'une part, les aldéhydes en général - les molécules possédant cette liaison O=CH - s'oxydent facilement pour donner l'acide carboxylique qui leur correspond (dans notre cas l'acide méthanoïque aussi appelé acide formique). Ici, il peut se passer en plus quelque chose de très particulier, l'oxydation des deux côtés en même temps : on obtient une molécule HO–C(O)–OH qui se décompose aussitôt en CO2 + H2O.
 Vous reconnaissez sans peine des produits de combustion. Le formaldéhyde peut en effet provenir d'une combustion incomplète, qui n'a pas mené la réaction au bout. Rien qu'en comptant les atomes, on s'aperçoit qu'un CH4 et un O2 peuvent devenir un CH2O et un H2O.

 D'autre part, le formaldéhyde peut réagir sur lui-même selon une réaction que je suis allée piquer sur Wikicommons parce que j'ai beaucoup de retard dans la rédaction de cet article.

Que c'était feignant. On voit bien la molécule qui grandit qui grandit qui grandit ?

 Ce n'est pas une molécule faite pour durer. Paradoxalement, l'un des usages les plus connus du formaldéhyde en solution aqueuse (formol) est la conservation des choses qu'on ne souhaite pas voir se putréfier. Comme le cerveau d'Einstein, par exemple. Par contre, ça n'est pas magique, les organes ou organisme conservés de cette manière sont altérés et ne peuvent plus servir. Comme le cerveau d'Einstein, par exemple.

 Constituant de vernis, peintures et traitement de protection du bois, le formaldéhyde sert aussi dans la confection de la colle des panneaux en aggloméré. Comment ça, on s'en fiche ? Vous croyez qu'ils tiennent tous seuls, ces petits copeaux ? Et le contreplaqué, ça tient comment le contreplaqué ? Et si je vous dis que tous ces meubles et ces peintures relarguent du formaldéhyde, dans l'air de votre maison, comme ça, sans rien demander à personne ?
 Et si je précise qu'il flanque le cancer ? Aaaah, on fait moins le malin, tout de suite.


Lien avec le vivant :

 C'est apparemment un intermédiaire de réaction dont l'organisme fait tout un tas de choses, dont de la synthèse d'acides aminés.
 (On me donne comme source The metabolism of glycine and serine, in Neuberger.A. and van Deenen.L.L.M. (eds.), Comprehensive Biochemistry, Vol. 19A, Elsevier, Amsterdam, pp. 257-303, mais je n'ai aucun moyen de la consulter moi-même.)

Causes probables du décès :

 1] Asphyxie simple. Comme tous les gaz en fait.
 2] Brûlure chimique aggravée. Il vous irrite un peu et vous vous grattez jusqu'à perdre votre sang.
 3] Brûlure thermique aggravée. Puisqu'il peut s'enflammer.
 4] Cancer du nasopharynx (peut-être, il semble que cela soit le cas dans l'industrie du bois). C'est plus long.



 L'acétylène, ce flambeur

 L'acétylène, ou éthyne puisque la nomenclature IUPAC pleure à chaudes larmes à force d'être bafouée, est constitué de deux atomes de carbone et de deux atomes d'hydrogène.

Question géométrie, tout tient sur une seule et même ligne : ce n'est pas une convention de dessin.


 Il brûle très très bien. Tellement bien qu'un terreur paranoïaque entoure son utilisation - et à raison. Cet article étant encore une improvisation sans queue ni tête, voici sans transition la composition d'une bouteille d'acétylène utilisée pour le soudage :


On parlera d'explosions une autre fois. BOUM.

 En combo avec une bouteille d'oxygène comprimé, il alimente un très bon chalumeau (dit oxyacétylénique, façon port-salut). La flamme atteint les 3000°C, ce qui représente beaucoup.
 C'est à peu près le seul usage que je connais, si on exclut tout ce qui est "réactif chimique".

Lien avec le vivant :

 Il n'y en a pas. L'acétylène est trop instable dans une atmosphère oxygénée pour que "la vie" ait eu l'occasion de s'en servir. J'ai lu de jolies spéculations d'une vie à base d'acétylène et d'hydrogène sur Titan, mais dans le cadre de cet article on va dire que ça ne compte pas.

Causes probables du décès :

 1] Asphyxie simple. Non, je plaisante, il y a peu de chances pour qu'il n'ait pas brûlé avant d'en arriver là.
 2] Brûlures thermiques aggravées.
 3] Blast. Non, pas lui. Mauvaises vibes dans vos organes internes, si vous voulez.
 4] Aggravation de blessures par projectiles. C'est un morceau de bouteille en acier explosée que je vois dans vos entrailles ?


 Le dioxyde de carbone, cet étouffant

 Si vous ne le connaissez pas. Un carbone, deux oxygènes.

O=C=O ? Une perruche qui hurle ? Un smiley qui s'ignore en tout cas.

 A pression atmosphérique, il ne devient jamais liquide. Il passe de l'état gazeux à l'état solide à -78,48°C, ce qui nous permet d'affirmer qu'il est un gaz à température ambiante, même au Canada. Pour en faire un liquide, il faut le comprimer à plus de cinq fois la pression atmosphérique. (Je vous le ferai, cet article sur les états de la matière.)

 On le trouve partout, il est créé par des réactions chimiques tellement courante que je ne les détaillerai pas, combustion, acide sur craie, décomposition d'acide carbonique... Et respiration, bien entendu - c'est une oxydation au même titre que la combustion.
  Il est pointé du doigt de par son relargage non maîtrisé dans l'atmosphère, mais il est aussi utilisé de façon volontaire et technique.

 Il est responsable des bulles dans les boissons gazeuses. L'ouverture de la bouteille brise la légère surpression interne, ce qui conduit à l'échappement du CO2 jusque là dissous dans le liquide.

 Comme il ne brûle pas, il est utilisé comme agent d'extinction. La grosse bouteille rouge qui le contient se reconnaît facilement à son cône improbable.

Celui-là.

 Sous forme supercritique, il décaféine le café. Il est dit supercritique lorsque porté à une température et à une pression où il va se comporter à mi-chemin entre un liquide et un gaz. (Autre article, tout ça.) Cette technique représente un progrès par rapport à l'ancienne méthode qui se faisait à l'éther et laissait un goût à la boisson.


Lien avec le vivant :

 Les végétaux en mangent pour faire du sucre, les animaux en recrachent après avoir utilisé du sucre. Tout cela est gentiment rodé.

Causes probables du décès :

 1] Je pourrais dire asphyxie simple, mais cette source le contredit. Il y aura toujours une combinaison d'asphyxie simple et d'empoisonnement.


 Moralité

 La chimie, c'est une belle saloperie. Je ne me permets de l'affirmer que parce que j'ai un beau diplôme de chimiste accroché au-dessus des étagères de ma mère. La bonne nouvelle, c'est que vous êtes vous-mêmes plein de produits chimiques dont vous vous êtes encombrés tous seuls comme des grands par le simple jeu de votre métabolisme.

 Oui, je viens de vous traiter de saloperies sans vous connaître. Ce n'est pas très urbain de ma part.

 Plus sérieusement, je suis d'accord sur le fait que cet article, beaucoup plus court que le précédent, ne va nulle part. Pour continuer à vous entretenir de cette passerelle géante entre physique et biologie que peut constituer ma matière, je vais revenir à des notions de base. J'ai tout un tas d'articles prévus*. Si celui-ci ne vous a pas dégoûté de me lire, je vous donne rendez-vous la semaine prochaine.

 @now@n


 * Notamment, si on compte tous ceux que j'ai "promis" entre les discussions et les articles : 
 - Les états de la matière, 
 - La radioactivité, 
 - Le fonctionnement de l'odorat,
 - Le tableau périodique, 
 - La nomenclature des substances chimiques,
- L'apparition de la matière,
 - Les représentations des molécules.
 Je crois que nous allons bien nous amuser ?

2 commentaires:

  1. J'ignorais que c'était le formaldéhyde qui donnait le cancer du nasopharynx (ou cavum)... Bon, tu peux rassurer les lecteurs : avoir des meubles en bois chez soi ne donne pas le nez de Michael Jackson (ou Voldemort).
    Pour l'anecdote, ce cancer est reconnu en maladie professionnelle pour les gens ayant été exposés aux poussières de bois pendant au moins 5 ans dans les 40 dernières années (http://www.intermetra.asso.fr/legislation/rg47.htm).

    Bonne continuation, ce billet était encore très plaisant à lire pour moi :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je l'ai mis pour le côté sensationnel ; il subsiste, d'après sources, un doute sur l'implication du formaldéhyde dans la pathologie. Comme il est souvent utilisé dans l'industrie du bois, "on sait pas".

      Supprimer